mardi 7 août 2018

La crampe



Après le sortir du travail, je préfère souvent aller regarder la mer. J’ai l’impression que j’ai en face le néant et que le monde ordinaire est derrière moi. Je me rends  toujours au même endroit, sur les Falaises, là où j’ai habité pendant dix ans, là où je fus habité par la passion de la pêche.

L’eau se trouve à cent mètres au-dessous. Je connais tous les rochers : Pédregal, Piedra jardina, Piedra Plana, Barco, Ferrati, El Hadjra Touila, El Hadjra El Alia, Piedra Lanchova, etc. 

Je connais tous les vents : Al gharbi, Echergui, El bahri, Terra, Misserghine, Canastel, etc.  Je connais les humeurs des poissons : le sar qui adore la houle, la daurade qui se plaît dans les eaux paisibles et les ports, la saupe, cet herbivore qui bouillonne près des rochers verdâtres à la tombée de la nuit, etc.

Et c’est de là que j’assiste aux couchers, j’aime regarder le soleil disparaître derrière la montagne en hiver, et s’éteindre en pleine mer en été.  Les pêcheurs qui semblent vieillir tôt, descendent et montent empruntant un sentier serpentant le flanc  de la falaise. Que de fois, ai-je pris le même chemin !

Je reviens depuis plusieurs jours sans pouvoir accéder à cet endroit. Je dois pour y parvenir traverser une autoroute où la circulation est abondante. Mon mal de jambes m’en empêche, la maudite crampe risque de me coincer en pleine traversée. Je reste un bon moment de ce côté... de ce coté prison... de ce coté privant; frustré et hésitant, la crainte d’être heurté par une voiture dépasse la tentation de voir mon bout de mer et m'en abreuver. Je quitte tristement les lieux, réalisant que pour être heureux il suffit d’être en bonne santé. 

                                                                                            Par Bachirrr

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