lundi 11 juin 2018

La mendiante



Toutes les salles d’attente des médecins se ressemblent. Des croquis sur les murs me rappellent les séances des sciences naturelles au lycée, que je trouvais inutiles. Des revues sur la table datant de plusieurs mois voire plusieurs années, le va-et-vient incessant de l’infirmière au visage endurci par les réclamations des patients impatients et les emportements du médecin. Et puis, il y a l’attente elle-même. C’est dans cette situation que je me suis retrouvé aujourd’hui. Je scrute les alentours, me heurte aux croquis; la maladie est partout, j’avoue que la crainte d’être atteint par quelque maladie inguérissable grandit à mesure que je fixe les murs. C’est pourquoi d’ailleurs je préfère baisser la tête, prendre une revue et revenir en arrière, me replonger dans le passé qui contient au moins plus de certitude. 

L’attente dure, je me mets à la fenêtre qui donne sur une rue grouillante de gens. J’y distingue une mendiante. La moitié basse de son visage est couverte d’un morceau d’étoffe noir, ce qui donne plus d’expression à son regard. Et de son tas de vêtements disparates émerge son bras squelettique au bout duquel s’ouvre une main qu’elle mouvemente pour attirer l’attention des passants. Et voilà une occupation pour moi ! Il y en a ceux qui passent indifféremment, un masque d’acier sur le visage, comme si la mendiante n’existait pas. Il y en a ceux qui s’arrêtent, se fouillent et déposent une pièce de monnaie dans sa main. En dix minutes, trois femmes se sont arrêtées…je repousse l’idée de faire une comptabilité. Et il y en a ceux qui la fixent avec un air qui me fait entrevoir de ma fenêtre des larmes aux coins de leurs yeux, et je sens que me parviennent la bonté et la pitié qui emplissent leurs cœurs ; démunis, ils lui font de la main un geste d’impuissance puis passent, l’abîme maladroitement remué par la force de ce regard qui les suppliait…« C’est ton tour ». L’infirmière placide m’arrache brusquement à ma contemplation.

Je ressors du cabinet, affaibli, amoindri, terrassé. Je passe devant la Mendiante, j’y vois une princesse. Elle n’a plus à mes yeux le visage hideux et misérable. J’ignorais toute sa richesse avant que le médecin ne me déclare mon mal…

                                                                                                                      Par Bachirrr


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